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2008-05-10T12:13:00+02:00

voyage au bout du tunnel (le récit d'un rêve)

Publié par SolN

                Elle était assise côté fenêtre, infime parcelle de lumière en cette fin d’après midi pesante et orageuse. Inlassablement le paysage défilait sous les yeux des voyageurs alanguis de cette traversée qui semblait n’en plus finir mais elle ne pouvait en prendre conscience, si perturbée qu’elle était par la statue humaine, rigide et distante, qui siégeait à ses côtés. Elle tentait avec différents regains d’espoir et d’originalité de lui dégotter quelques soupçons de considération et d’intérêts mais lui, impassible, telle une porte de prison lui rappelait sans cesse qu’il était le seul maître à bord et que, tant qu’il ne consentirait pas à lui témoigner le moindre signe de vie, sa quête se prolongerait en vain.

eleve-vitesse-balle-train---TEC-151C.jpegQuelles étaient ces personnes ?Invitée impromptue que j’étais, balancée en deux temps trois mouvements dans cette scène un tantinet malsaine, j’avais la désagréable impression d’épier ce petit monde en toute indiscrétion. Et pourtant cette fille esseulée moralement, gaspillant force et énergie pour n’en récolter que de la frustration, était-ce moi ? je semblais m’y reconnaître, tout du moins moralement, ne pouvant précisément distinguer les traits de la jeune femme. Cela dit régnait en moi comme une curieuse impression de bilocation, comme si mon être s’était dédoublé et que je l’observais dorénavant agir … Encore une fois, le film semblait avoir commencé me portant comme protagoniste principale sans que je ne sache au juste quel en serait le dénouement…et tout retour en arrière n’était pas envisageable…
« S’il te plait, ne te braque pas, écoute ce que j’ai à te dire… » Plaintives demandes sans lendemain, elle semblait peu à peu s’essouffler dans ce rôle de quémandeuse qui se traînait en longueur…tout comme sa traversée.
Pourquoi se sentait-elle si concernée par cette personne dont je ne pouvais distinguer le visage, les expressions ?Satané cadrage qui me rendait bien impuissante dans cette quête de la vérité…
Fermant les yeux et s’abandonnant quelques instants bien au fond de son siège, peut être idéalisant un quelconque dénouement heureux, elle tressaillit quand, sans crier garde, le train s’immobilisa. N’était-ce pas un trajet direct ? Elle le vit se diriger vers la porte de sortie, exit parmi tant d’autres qui le délivrait de la langueur du voyage et de sa médiocre voisine de banquette. Sortie immédiatement de sa torpeur elle courut pour l’en dissuader et lui faire entendre raison mais la porte l’en empêcha se cloisonnant de façon abrupte comme pour la maintenir à l’intérieur…Sans prendre le temps de réaliser qu’une fois de plus elle n’avait qu’à accepter et se soumettre, telle une insignifiante marionnette contrôlée par les ficelles du destin, une angoisse naissante lui fit remarquer qu’elle était dorénavant seule dans son compartiment, au milieu d’un amas de bagages abandonnés, comme laissés à la hâte. Aurait-on évacué son wagon pour quelques raisons? Ses perplexes considérations furent vite détrônées par un état de panique aigu lorsque le monstre sur rails, après l’avoir engloutie sans scrupules redémarra de plus belle, comme ravigoté par ce succulent regain d’énergie. Courait-elle un danger dorénavant, seule, calfeutrée dans ce tunnel mouvant ?
Machinalement, perdant tout repère, elle courut dans le sens opposé à la traversée, poursuivant sa route, vaquant de surprises en déroute dans les wagons aux alentours, ne décernant au final pas âme qui ne vive… Loin d’un paisible rythme de croisière, la vitesse excessive lui fit perdre l’équilibre, et sa tête déjà si mal en point dans cette tourmente inexplicable vint heurter une barre de maintien vers laquelle elle avait voulu s’agripper, tel le morceau de bois tant convoité par le naufragé promis à une dérive certaine. Souffrant d’un horrible mal de tête, elle se releva tant bien que mal tremblant de tout son être sous la faiblesse et les vibrations, pour à nouveau chuter sans ménagement ce qui la déconnecta pour de bon de son tragique périple.
A présent, de cette scène si agitée, je ne distinguais que du noir, et sentis au fond de moi un profond désarroi, n’ayant pu agir, simple spectatrice ou actrice sous contrôle que j’étais alors que j’avais tant envie de lui tendre une main comme j’aurais peut être voulu qu’on m’en tende (et que l’on entende) dans pareille situation…
ivoire-tour---ivorytwr-copie-1.jpegUne lueur audacieuse semblant venir de nulle part vint percer çà et là cet épais voile noir inquiétant qui progressivement signa son arrêt de mort, contaminé par ce blanc immaculé. La lumière aveuglante me fit grimacer et ce n’est qu’après un temps d’adaptation que j’appris à distinguer les contours d’une petite tour d’ivoire perdue au milieu de nulle part renfermant, à son dernier étage une pièce munie d’un lit à baldaquin, paré de draps de soie, le tout de couleur blanc, peut être dans un soucis de coordination évident… Je me vis cette fois me réveiller et m’étirer de cette couche si apaisante pour me diriger vers l’unique fenêtre offrant la vue sur un grand espace vert à l’intérieur duquel se dessinait très nettement une ligne de chemin de fer dont on ne pouvait distinguer les bouts. Je me vis m’acheminer vers cette fenêtre, sans doute interloquée par cette voie de dessert qui tranchait avec le reste du décor.
Je descendis alors d’un pas avenant les marches bancales qui me séparaient d’une porte en bois usée par le temps. Alors que cette dernière, pauvre ramassis de planches pourries et oubliées aurait dû se faire violence pour se laisser passer sans aucune résistance, elle semblait au contraire « ouverte » à cette idée, comme décidée à refourguer ses rancœurs de porte fermée au placard…peut-être que celle-ci, bouclier d’infortune de cette tour qui m’avait accueillie baissait désormais les armes devant cette force qui m’animait et me poussait à m’aventurer hors de son cocon protecteur…Une fois la vigilance atténuée, je pouvais désormais déambuler au travers de ce paysage désertique qui me servait de terre d’asile. Ma nature enjouée et libre de toutes contraintes m’aurait, au demeurant, poussée à vagabonder avec allégresse dans ces vastes entendues de verdure mais mon corps semblait m’en dissuader, comme régi et asservi désormais par une autre source de pensée, une autre entité réduisant à néant toutes mes volontés d’émancipation.
Contre mon grés, mes pas m’emmenèrent vers la ligne de chemin de fer qui m’éloignait peu à peu de la tour où j’avais été parachutée, sans transition aucune, tandis que mon esprit refusant toute traîtrise mais impuissant face à ce corps qui le transportait contre sa volonté essayait de rassembler les morceaux pour faire le parallélisme avec la scène précédente, dont le seul élément commun était cette voie ferrée qui semblait n’en faire qu’à sa guise… Longeant cette dernière, j’appris à discerner de plus en plus nettement les débris d’un train qui avait dû dérailler récemment…
Au détour d’un virage, un corps allongé sur le ventre, ce corps, celui de la malheureuse qui semblait dormir parmi les restes du monstre vaincu… Je tressaillis en pensant à ses derniers instants que j’aurais pu retarder en lui tendant une main, en l’aidant à basculer hors du train mais j’avais perdu le cours de la bande, je n’étais qu’une simple spectatrice et ne restait à présent que le poids de la culpabilité qui a lui seul amplifiait la lourdeur et la pénibilité de mes déplacements forcés. J’étais dorénavant à hauteur de son visage, ce visage dont je n’avais pu encore en distinguer précisément les traits lorsqu’il était encore en vie et animé par cette détresse qui m’avait tant contaminée…je m’agenouilla pour méditer sur ce corps, en signe de pardon, d’obscure complicité et de soumission et là à mon tour mon sang ne fit qu'un tou pour se figer dans mes veines lorsque j’aperçus que ce corps sur lequel je me recueillais était tout simplement le mien…
 
2007

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commentaires
L
Une âme d'artiste. De belles choses ! Est ce posible d'en faire des phrases courtes? humble serait cette critique qui j'espere t'aidera à écrire avec une certaine paisibilité ...liepsig.over-blog
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S
bonjour trop cool ton blogtu aimes t'amuser rire te detendre va voir ici http://detente-et-bonne-humeur.fr.nf/au passage +5 pour ton blog
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T
Félicitation....j'ai du le lire 3 fois avant de comprendre quelques choses (manque de concentration)...Peut être est-ce  - en reprennant les termes de PiR  - le flou de l'incompréhension inhérents aux reves qui m'a "géné" ainsi...trés bien écrit dans tous les cas, continu à nous surprendre
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P
Bravo, tu as bien retranscrit le flou et l'incompréhension inhérents aux rêves.Très belle chute qui plus est.
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